Arrivé à La Seyne-sur-Mer en 1945, à la fin de la guerre, l’ancien prof du collège Martini revient sur les grands évènements de sa vie. En septembre, il fêtera ses 98 ans.
Dans sa coquette maison située à deux pas de la plage de Mar-Vivo, Henri-Jean Faber égrène ses souvenirs avec clarté et précision. Et quand on lui demande le secret de cette fabuleuse mémoire, il répond, amusé : «J’ai la chance d’avoir un cerveau bien irrigué !». Né le 4 septembre 1918 en Maine-et-Loire, Henri-Jean est reçu premier au concours littéraire de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, à 20 ans. Nommé à Paris en 1942, il contracte, quelques mois plus tard, une pleurésie tuberculeuse. «C’était la terreur de l’époque. Après un congé longue durée de trois ans, j’ai cherché une région plus saine. C’est ainsi que je suis arrivé à La Seyne-sur-Mer, le 28 septembre 1945. La guerre venait de se terminer et la ville était abîmée, avec des immeubles éventrés». Contrairement à aujourd’hui, nul ne se bat alors pour venir dans le Sud : «Il n’y avait pas grand-chose pour vivre, mis à part les vignes ou l’huile d’olive. Ce n’était pas une région d’élevage ni de grande production agricole». La reconstruction ne commencera qu’en 1951, après son mariage.
Prof et militant socialiste
Quand Henri-Jean Faber arrive au collège Martini, le principal, Emile Malsert l’accueille d’un, «il y a deux sortes de professeurs : les professeurs à histoires et les sans histoires». Le malicieux nonagénaire rit : «Je me le suis tenu pour dit !». A Martini, il a pour collègue Marius Autran et pour élève, son fils, Jean-Claude. «Je le revois très bien, et contrairement à d’autres fils de professeurs, lui, ne posait aucun problème». Henri-Jean Faber enseigne l’anglais pendant 4 ou 5 ans, puis, quand le collège devient lycée Beaussier, en 1960, il retrouve sa véritable spécialité, les lettres. En 1946, celui qui à 15 ans s’intéressait déjà à la politique, entre au Parti Socialiste : «C’était surtout ceux qui ne voulaient pas être communistes. La droite était déconsidérée après guerre, et tout le monde avait peur d’une troisième guerre mondiale avec les Russes». Elu conseiller municipal en octobre 1947 et désigné en juin 1950 « chef de file » des élus socialistes, il s’éloigne du Parti, quelques années plus tard, «je n’ai pas aimé que les socialistes se rapprochent des communistes», mais sera encore de nombreux combats, dont celui de mai 68. Amusé, Henri-Jean Faber reprend un vieil adage : «Si on n’est pas socialiste à 20 ans, c’est qu’on n’a pas de cœur. Si on l’est toujours à 40 ans, c’est qu’on n’a pas de tête».
Bel appétit de vivre
L’intérêt d’Henri-Jean Faber pour la vie, est sans limite : «Je voudrais vivre jusqu’à 99 ans pour voir ce qu’il va se passer en 2017 !», confie-t-il. Ses journées sont bien remplies. Il lit beaucoup, «j’ai la chance d’avoir une bonne vue», regarde la télévision, «j’aime les séries policières, les documentaires sur l’histoire et la géographie et l’émission »C dans l’air », ma préférée». A bientôt 98 ans, il conduit toujours sa voiture, que ce soit pour aller chercher ses livres à Charlemagne, ou pour rendre visite à ses amis. Il confesse d’ailleurs que cela ne le fatiguerait nullement de faire le trajet La Seyne-La Rochelle pour aller voir ses neveux auxquels il est très attaché, si ces derniers ne lui interdisaient pas de conduire sur un si long parcours. Veuf depuis 2008, Henri-Jean continue seul ses promenades et profite du joli cadre de vie qui l’entoure : «Avec mon épouse, nous allions nous baigner sur la plage de Mar-Vivo. La mer était notre piscine». On resterait encore longtemps en compagnie de notre hôte, mais il est temps de prendre congé. En cette fin de journée printanière, ses neveux vont d’ailleurs arriver et passer quelques jours avec lui. Henri-Jean Faber est ravi. Ces moments-là le rendent heureux.