Les Seynois le surnomment « le maire de Fabrégas ». Il adore ça ! Daniel Viglietti raconte 100 ans d’histoire de cette véritable institution seynoise et repère de gastronomes : le restaurant « Chez Daniel et Julia ».
En 1918, Elie Beradengo, un réfugié égyptien copte et sa femme Julia, achètent un bar guinguette à Fabrégas. « Il faisait baletti, raconte Daniel, petit-fils d’Elie. A l’époque il y avait des casinos et des hôtels de luxe aux Sablettes et à Tamaris, La Seyne était une station balnéaire huppée. Mon grand-père a inventé le concept du circuit court. Grâce au vivier qu’il avait aménagé dans l’anse de Fabrégas, il servait la bouillabaisse à toute heure. Il était le seul à faire ça ».
Fuir les bombardements
La Seconde Guerre mondiale a mis fin à la belle époque. « Dès 1938, ça n’allait plus très bien pour le restaurant : les Anglais, qui étaient des clients fidèles, ne venaient plus. Au début de la guerre, les Allemands ont réquisitionné le restaurant et on est partis vivre aux Sablettes, puis au centre-ville, place Chevalier-de-la-Barre. J’avais 9 ans en 1942 quand mes parents se sont enfuis dans le Haut-Var pour échapper à la guerre. Une bombe venait de tomber sur l’actuelle Caisse d’épargne. Mon père n’a hélas pas survécu à tout ça ».
« Faut pas fermer l’hiver ! »
Le jeune Daniel reste à Aups où il est ouvrier agricole jusqu’en 1953. Après son service militaire, il revient à Fabrégas. Il trouve le restaurant dévasté et pillé ; tout est à refaire. « A l’époque, il y a encore les tickets de rationnement. En 1955, le restaurant est enfin rénové et je deviens le maître des lieux. Mais je n’avais aucune expérience. J’ai eu la chance de rencontrer Emile Brachet qui venait de vendre son restaurant. Il est venu me voir en me disant qu’il s’ennuyait et que si je voulais, il travaillerait pour moi pendant un mois gratuitement. Il est resté 17 ans. Il m’a tout appris sur le métier. Il était mon mentor. Du pain béni. C’est avec lui qu’on a créé le restaurant tel qu’il est aujourd’hui. Il me disait toujours : « Faut pas fermer l’hiver. Faut pas faire comme les autres, il faut donner votre image au restaurant ». Il était le seul autorisé à m’engueuler. C’est une époque où on travaillait beaucoup, mais on gagnait de l’argent, on pouvait être généreux ». Ce que les économistes ont appelé les Trente Glorieuses.
« Papa, un jour je prendrai ta place »
Le succès est au rendez-vous. On vient de loin, de très loin, pour manger la bouillabaisse et les créations de Daniel : les raviolis au homard, les moules Daniel : « Un plat intergénérationnel », assure-t-il. « J’ai aussi eu la chance aussi d’avoir le terminus des bus Etoile qui faisaient demi-tour devant le restaurant ». A cette époque, Julia, sa fille, est petite. « Elle me suivait partout dans le restaurant et me disait : “Papa, un jour je vais prendre ta place”. A cette époque, ça me faisait rire car je ne pensais pas qu’une femme pourrait diriger un jour tout ça. Depuis 2002 que ma fille gère le restaurant, elle m’impressionne. Elle m’a fait changer d’avis ! ». « Je suis touchée, répond sa fille, c’est la première fois que je l’entends dire ça !».
Un bistro de la mer
Tous les jours, chez « Daniel et Julia », c’est l’histoire d’une famille, et d’un petit bout de La Seyne, qui se joue à Fabrégas, et ce depuis 100 ans. Julia et Pierre, son mari, ont rajeuni les lieux tout en en conservant l’âme. « J’ai capté une clientèle plus jeune en créant un bistro de la mer, “Le Fabrègue”, tout en conservant l’âme de papa avec “les Roches Rouges”. Ce qui fait que notre restaurant est unique, c’est qu’ici, il n’y a pas de numéros de table, mais que des amis ».
Longue vie à cette affaire de famille, qui fait le succès de Fabrégas et le bonheur des gastronomes.
Chez « Daniel et Julia » Route de Fabrégas. Les Roches Rouges 04 94 94 85 13. Le Fabrègue 04 94 94 75 13. Mail : chezdanieletjulia@gmail.com. Internet : chezdanieletjulia.com Pages Facebook : Les Roches rouges – Le Fabrègue